Silence et immense respect. C’est ce que nous inspire cet ouvrage d’une puissance inimaginable, d’une plume remarquable et d’une justesse extrême .
J’avoue avoir rarement lu un texte aussi fort, poignant et saisissant, sans sombrer un seul instant dans le pathos. “In Abstentia” nous conte l’histoire de Pierre Delmain, romancier déporté dans le très funeste et seul camp nazi ouvert en France: au Struthof, en Alsace. Pierre qui est chargé d’achever les déportés qui ne sont plus utiles aux “ expériences scientifiques” des nazis. S’il doit étrangler ces hommes, ces femmes, il le fait avec la plus grande humanité. Et de ces visions cauchemardesques qui s’imposent à lui, il fuit par le rêve et la force de l’imaginaire. Par l’absence. Seul recours pour s’évader, s’écarter de l’indicible. C’est dans cette effroyable situation qu’il rencontrera Paul Bernstein un collectionneur d’art, condamné au sort de ces malheureux êtres, victimes de l’innommable. Seul nom dont il se souviendra et lui permettra de poser une identité sur ces victimes. Un roman qui soulève la question de la culpabilité des survivants, qui interroge sur le rôle de Pierre. Allégeait-il le sort des victimes en les achevant avec douceur et humanité ? Leur ouvrait-il la voie au repos éternel? Comment lui-même pouvait-il absorber une telle horreur, en être un des acteurs? S’il s’était donné la mort, quel autre bourreau aurait été aussi tendre que lui? Leur devait-il la vérité? Devait-il leur raconter de faux espoirs qui n’auraient été que mensonges?
In Absentia est un livre, certes, douloureux, mais d’une puissance rare. Un livre dont on se souvient, un livre pour ne jamais oublier. Pour que plus jamais ne se produise un tel genocide.
“In Absentia” de Raphael Jerusalmy ( Actes Sud) est disponible chez Autour d’un livre ainsi que dans toutes les librairies indépendantes de France.
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